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J'ai mal à ma Terre
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22 juin 2009

Que faire des 250 000 tonnes de déchets

Que faire des 250 000 tonnes de déchets nucléaires ?

"Au nom de quoi retirerait-on aux générations futures la possibilité de décider par elles-mêmes ?" La question posée par le sociologue Michel Callon, professeur à l'Ecole des mines, est au coeur de la nouvelle doctrine française sur les déchets nucléaires. Elle repose sur le concept de "réversibilité" des solutions techniques, mais aussi des choix politiques. Un colloque vient d'être organisé sur ce thème, à Nancy, par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), prélude à une conférence internationale prévue en 2010.

 

"Le stock de combustibles usés accumulé dans le monde se monte à 250 000 tonnes", rappelle Bernard Boullis, du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Même si l'on arrêtait demain toutes les centrales, le problème resterait donc entier. En France, 1 150 tonnes de combustibles irradiés sont déchargés chaque année des 58 réacteurs d'EDF, dont 850 tonnes retraitées.

Ces déchets ultimes ne représentent qu'un volume relativement faible : un peu moins de 50 000 tonnes pour la France, provisoirement entreposées dans les usines de retraitement, à La Hague (Manche) et Marcoule (Gard). Mais ces rebuts concentrent plus de 99 % de la radioactivité totale. Certains sont à très haute activité. D'autres à vie longue : des milliers, voire des millions d'années.

Pour ces substances très nocives, l'option mondialement retenue est le stockage dans des formations géologiques profondes, capables de les confiner pendant plusieurs centaines de milliers d'années. C'est pour valider cette solution que, sous la commune de Bure (entre Meuse et Haute-Marne), l'Andra a creusé, à 490 mètres de profondeur, dans une couche d'argilite, un laboratoire.

"Il s'agit d'une installation de recherche, qui ne constituera pas le futur site de stockage", précise Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'Andra. Celui-ci serait situé dans un périmètre de 30 km2 autour de Bure, où serait enfoui un réseau de 15 km2 de galeries et d'alvéoles souterraines.

Si, du moins, le Parlement et le gouvernement donnent leur feu vert. Un débat public est prévu en 2013, avant une enquête et une demande d'autorisation de construction en 2015, pour une éventuelle mise en service en 2025.

Rien n'est acquis. En dépit de la promesse de 700 à 1 000 emplois directs, l'opposition locale reste forte : plus de 50 000 électeurs des deux départements ont demandé un référendum local. C'est l'hostilité persistante d'une partie de la population, en même temps que le constat que les études sur la gestion des déchets radioactifs demandent à être plus poussées, qui a conduit le Parlement à inscrire dans la loi, en juin 2006, l'exigence de réversibilité. Cela pour une durée d'au moins cent ans. "Ce principe est crucial pour donner aux citoyens les meilleures garanties, mais aussi pour laisser à la science une chance de proposer, dans le futur, des alternatives", justifie Claude Birraux, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Tous les pays n'ont pas fait le même choix, souligne Claudio Pescatore, de l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Aux Etats-Unis et en Suisse, la réversibilité est, comme en France, exigée par la loi. Au Canada et au Japon, elle l'est par le gouvernement. En Suède et en Finlande, elle n'est pas requise, mais néanmoins prévue par les exploitants nucléaires. En Angleterre, elle fait l'objet d'un débat.

La réversibilité suppose de pouvoir, à tout moment, retirer les colis radioactifs de leurs alvéoles souterraines. Mais aussi de pouvoir revenir sur les choix de gestion des déchets. Ce qui soulève de multiples questions. Comment assurer le même niveau de sécurité à un stockage susceptible d'être rouvert qu'à un ouvrage définitivement scellé ? Comment être sûr que, dans les décennies ou les siècles à venir, les institutions politiques seront au moins aussi stables que les formations géologiques, et qu'elles garantiront des processus de décision démocratiques ? Comment imaginer sérieusement qu'une fois lancé, on puisse revenir sur un projet chiffré, entre la construction et l'exploitation sur un siècle, à 15 milliards d'euros ?

Pour l'heure, la Suède est le premier pays à avoir choisi un site de stockage profond, dans du granit. Tous les autres tergiversent. Aux Etats-Unis, le projet d'enfouissement dans la roche volcanique de Yucca Mountain, dans le désert du Nevada, vient d'être "enterré" par Barack Obama. En Allemagne, le stockage dans la mine de sel de Görleben a été gelé par le moratoire sur le nucléaire. Le Japon, le Canada et l'Angleterre cherchent des sites. L'Espagne privilégie pour l'instant l'entreposage. La Chine, l'Inde et la Russie, quant à elles, n'ont pas arrêté de position.

Pierre Le Hir
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