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J'ai mal à ma Terre
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3 janvier 2010

Le littoral thaïlandais grignoté par les eaux

L’avancée de la mer, provoquée par le réchauffement climatique, menace le village de Khun Samut Chin. Oubliés du gouvernement, les habitants tentent de s’organiser.

Debout sur une passerelle face au golfe de Thaïlande, Vissanou Kengsamut, un jeune pêcheur du village de Khun Samut Chin montre le sommet d’une ligne de pylônes électriques qui émergent de la mer. «C’est tout ce qui reste de l’ancien village. Ces poteaux ont été installés en 1980, maintenant ils se trouvent à environ un kilomètre au large», dit-il.

Derrière lui, une pagode bouddhique est envasée sur un mètre de haut. Autrefois située au centre du village, elle est devenue une île, jointe à la terre ferme par un réseau de passerelles de béton et de planches de bois. «La mer a commencé à inonder la pagode pour la première fois il y a environ dix ans. Depuis, à chaque saison des marées, la mer envahit le temple avec un niveau à chaque fois plus élevé. Il a fallu construire un étage pour continuer à l’utiliser», raconte le pêcheur.

Peu à peu, Khun Samut Chin, un village de 300 personnes situé à 80 kilomètres au sud-est de Bangkok, est englouti par la mer. Les raisons en sont multiples. «La quantité de sédiments ramenés de l’intérieur des terres par les fleuves diminue à cause des barrages et des réservoirs. Mais surtout, les vents de mousson sont plus forts qu’avant et créent des vagues plus violentes qui érodent la côte», explique Anond Snidvongs, directeur de Start Asie du Sud-Est, un centre de recherche qui travaille sur le changement climatique.

mangrove. Depuis environ trente ans, 30 à 40 mètres de terres sont avalés par la mer chaque année. «J’ai dû déménager en tout onze fois. Quand j’achète un terrain et une maison, je ne peux y rester que deux ans au plus. Ensuite, la maison est détruite par la mer. Si celle-ci est encore engloutie, je vais peut-être retourner dans ma province natale. Je n’ai plus la force de me battre», se lamente Bantom Nitikorn, un pêcheur de 69 ans. Sur les vingt dernières années, les trois quarts des habitants du village sont partis dans d’autres provinces, selon Udom Boonchuay, le chef du district. «Personne n’a reçu de compensation du gouvernement», précise le fonctionnaire.

Pour tenter d’enrayer l’érosion, les villageois essaient de reconstituer la mangrove, mais, à chaque marée, la plupart des arbustes sont emportés. En 2004, un scientifique de l’université Chulalongkorn de Bangkok, Thanawat Jarupongsakul, a installé sur 250 mètres une haie de pylônes disposés en triangle afin de combattre l’érosion. «C’est un système assez efficace. On voit que les petits animaux marins sont réapparus près du rivage : les coquillages, les "poissons à pattes", diverses espèces de crabes. Cela a permis aux villageois de reprendre leur ancien métier, qui consiste à ramasser des coquillages», raconte Vissanou. Mais, faute de budget, la digue n’a pu être complétée et n’offre qu’une protection relative.

Crevettes. Le village de Khun Samut Chin est un exemple extrême des effets désastreux de l’avancée de la mer provoquée par le réchauffement. Mais c’est une bonne partie du littoral du golfe de Thaïlande, entre la province de Phetchaburi et celle de Chonburi - soit une centaine de kilomètres de côte - qui est victime d’une érosion sévère.

Les terres au sud de Bangkok sont particulièrement menacées, d’autant que la capitale, bâtie sur un sol argileux mou, s’enfonce de près d’un centimètre par an du fait du pompage intensif de la nappe phréatique. Les nombreux étangs d’élevage de crevettes établis dans cette région sont un facteur aggravant : dès que les propriétaires délaissent leurs étangs et cessent d’entretenir les diguettes qui les entourent, la mer les submerge et progresse d’un bond de plusieurs centaines de mètres. «On le voit sur les photos aériennes. L’érosion progresse par poche qui s’agrandissent, puis se rejoignent», indique Anond Snidvongs.

Jusqu’à présent, le gouvernement thaïlandais s’est montré plutôt attentiste, se contentant de protéger Bangkok des inondations par un réseau de digues, de canaux et d’écluses. Presque rien n’a été fait en revanche pour combattre l’érosion du littoral et assister les habitants. «Quand la mer avancera davantage à l’intérieur des terres, des gens qui disposent d’un pouvoir politique et économique plus important seront affectés. Alors, peut-être, le gouvernement prendra la question au sérieux», estime Anond Snidvongs. De leur côté, les villageois de Khun Samut Chin semblent se résigner. «Si rien de plus n’est fait, notre communauté aura disparu dans vingt ans. Il ne restera plus qu’un nom dans les registres», dit Vissanou.

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